Pour fabriquer un manche de couteau à la main, il faut bien sûr du bois, quelques outils comme une râpe, mais aussi, de la lumière et du mouvement. La lumière va vous indiquer chaque petit replat à arrondir, chaque manque de symétrie ou d’harmonie dans la forme. Le mouvement de la main, lui, donne au manche sa fluidité sans quoi il ne serait pas agréable au toucher. Je n’en finis pas de m’étonner, quand je donne peu à peu sa forme à un manche, de constater à quel point les yeux et les mains travaillent ensemble, de façon presque automatique, comme s’il n’y avait même pas de passage par le cerveau. Tout se fait en quelque sorte de soi-même, en effleurant, en fermant un œil, en reprenant… lumière et mouvement dessinent et mettent en forme le manche de couteau, à travers les yeux et les mains.
On dit : la lumière dans les arbres est belle ce matin. Mais les arbres, et les feuilles, sont déjà de la lumière sous une autre forme. De la lumière combinée à de l’eau, du carbone, de la gravité… la lumière est déjà dans l’arbre, quand la lumière vient toucher l’arbre et jouer dans les feuilles. La lumière touche la lumière. La lumière est dans la lumière. Elle est donc déjà dans le futur manche de couteau, au moment où le mouvement lui donne sa forme. La lumière était déjà là, et quand le manche de couteau luira d’avoir été tant de fois au contact de la main qui l’a tenu, c’est encore elle qui le fera briller.