Newsletter n°17 – août 2022

L’été passe.

Je soulève un store

Je ne regarde rien.

Nakamura Teijo

L’une des choses les plus importantes quand on travaille le bois, c’est l’affûtage des outils. Ceux-ci doivent toujours être affûtés, et le mieux possible. C’est une tâche qui revient régulièrement, voire quotidiennement pour certains outils. Elle peut sembler répétitive, monotone et fastidieuse, et finir par décourager les bonnes volontés : on commence avec une pierre de grain grossier, puis on passe à une pierre de grain plus fin, et ainsi de suite… jusqu’à obtenir un tranchant rasoir,  littéralement. Pourquoi est-ce si important? La première raison, la plus évidente, c’est qu’on travaille beaucoup mieux et facilement avec un outil affûté. Mieux il coupe et moins vous avez à faire d’efforts, donc plus vous serez efficace et précis. A cette condition, le travail aux outils à main peut d’ailleurs paraître étonnamment peu fatigant, comparé à la force que l’on doit parfois appliquer sur certains outils électriques, ne serait-ce que pour les garder en main. Ensuite, contrairement à ce que l’on pourrait penser, un outil affûté est beaucoup moins dangereux qu’un outil qui coupe mal. Car que fait-on automatiquement avec un outil qui coupe mal? On force. Et plus on force, plus on risque de glisser, riper, déraper, et de se blesser. Donc en termes de sécurité, mieux vaut un outil le plus tranchant possible.

A vrai dire, cela permet même d’éviter une confusion des rôles entre l’outil et celui qui le manie : le rôle du premier, c’est de couper ; celui du deuxième, simplement de réaliser le geste qui permet à l’outil de couper. Ce n’est pas le bras qui coupe, c’est l’outil. Distinction que l’on retrouve dans le iaido, art martial japonais du maniement des sabres, les katanas. Tout l’enjeu de cet art martial est de développer le bon geste, c’est-à-dire celui qui permettra au katana de remplir son rôle : couper. Hors de question, par conséquent, de « taper » avec le sabre, ni d’appuyer dessus. Il n’y a pas d’effort à faire, mais un mouvement de cisaillement – il ne faut surtout pas y mettre de force. Exactement comme quand vous voulez couper une tomate ! De même, si vous voulez scier un morceau de bois droit, l’une des premières choses que l’on apprend est de ne pas appuyer sur la scie, mais au contraire de « laisser la scie scier ». Sinon, elle commence à dévier de sa trajectoire, et à nous fatiguer inutilement… De quoi s’agit-il, alors? De se mettre en condition de réaliser le geste qui demandera le moins d’effort, pour permettre à la scie de remplir son rôle sans la surcharger. D’où l’importance capitale de l’affûtage. Une fois les outils bien affûtés, il n’y a rien d’autre  à faire, en réalité, que de ne pas les empêcher de couper. Combien de nos gestes quotidiens gagneraient de même à être débarrassés de toute la charge, de toute la volonté inutile que nous y mettons?