Qui sait ce qui se cache derrière un masque ? Nous vivons dans une civilisation qui considère depuis bien longtemps que le masque est une forme d’illusion, et que derrière le masque se cache la réalité : il faut lever le masque pour dévoiler la vérité. Mais qui sait si le masque ne montre pas, parfois, quelque chose de plus vrai que ce qu’il cache ? Et si, derrière le masque, il n’y avait rien?…
Avant de donner le mot « personnage », puis « personne », le mot latin persona désignait le masque de l’acteur au théâtre, qui servait à amplifier la voix sur scène (per-sonare : « résonner à travers ») et à représenter le caractère du personnage. Le masque n’est en lui-même personne, mais il permet à la personne de s’incarner en jouant un rôle, et ainsi de se révéler elle-même. Dans ce cas, ne passons-nous pas notre journée à mettre et à échanger différents masques sur nos visages? Pour nous masquer ou au contraire pour mieux nous dire à travers eux ?
Dans beaucoup de cultures, le masque a également une fonction rituelle et spirituelle : il est un intermédiaire entre l’homme et la divinité, permettant à celle-ci de se manifester à travers celui-là, en le « possédant ». Mais quand on retire le masque et qu’on l’accroche au mur, on comprend que, derrière, il n’y avait que du vide. C’est nous qui le faisions vivre. Maintenant il nous révèle sa vraie nature, qui n’est ni de cacher, ni de révéler, mais seulement de manifester le vide : le vide comme ce qui permet à la forme d’exister, et la forme comme expression du vide. Au fond, il n’y a jamais eu personne derrière le masque, donc nous n’avons rien à cacher ni à dévoiler. Juste à laisser la forme sculpter le vide et le vide sculpter la forme.