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Newsletter n°43 – octobre 2024

Nulle trace dans le courant

Où j’ai nagé 

Avec une femme.

Seishi Yamaguchi

     Quelle trace vais-je laisser? quelle trace vais-je laisser dans mon entourage, dans l’exercice de mon métier, ou pour certains même dans l’Histoire ? Cette question en préoccupe plus d’un car il en va d’une espèce de survie symbolique, censée nous rassurer sur ce qui peut malgré tout rester de nous quand nous ne serons plus là, précisément, pour le voir. Or le propre d’une trace, tôt ou tard, c’est de s’effacer et d’être recouverte par d’autres traces, qui à leur tour s’effaceront et seront recouvertes par d’autres traces, etc. Nous-mêmes sommes la trace de traces antérieures, et dans quelque direction que l’on regarde, il n’y a que des traces, aucune n’étant éternelle, mais chacune s’inscrivant entre la précédente et la suivante. Tout au long de notre vie, nous […]
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Newsletter n°42 – septembre 2024

Il pleut

Une goutte fait plic

Une goutte fait ploc.

     Le mot « routine », dans notre civilisation, est connoté assez négativement. Synonyme d’ennui, ce serait un danger à éviter si l’on souhaite, en tant qu’individu, continuer à se développer et s’épanouir. La routine est vue comme une répétition empêchant la nouveauté de venir nous stimuler et nous mettre à l’épreuve – nous « challenger ».      Pourtant, répéter le même geste routinier n’est pas forcément s’asseoir dans le confort de ce que l’on maitrise et connaît parfaitement, de même que pour un comédien redire chaque soir le même texte n’est pas forcément le répéter à l’identique. Le geste, comme le texte, se jouent et se rejouent à chaque fois à nouveau. Bien sûr, on peut toujours améliorer le geste, et se mettre en quête d’une forme […]
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Newsletter n° 41 – août 2024

J’ai manqué mon coup

La tête du clou

Est toute tordue.

 

Nakatsuka Ippekkiro

     Peut-on être adulte et se construire une cabane? Personnellement, je crois que cette passion des cabanes ne m’a jamais quitté depuis l’enfance. La cabane, imaginairement, c’est le refuge, l’endroit à soi, un lieu où l’on peut se retirer et rêver librement, tout en regardant le monde par la fenêtre – ou par la porte s’il n’y en a pas. Mais la cabane, c’est surtout l’abri que l’on construit de ses mains, petites ou grandes, avec ce qui nous tombe sous la main. L’essence de la cabane, c’est d’être bricolée. Bien sûr il nous faut des vis ou des clous, et quelques planches… mais s’il manque quelque chose, on va essayer de faire avec ce que l’on a. De se débrouiller. Prendre des petits bouts de trucs et les […]
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Newsletter n° 40 – juillet 2024

De la narine du grand Bouddha

Jaillit

Une hirondelle.

Kobayashi Issa

     L’année dernière, un saule marsault est mort dans le jardin. Comme ça. Sans prévenir. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Depuis, je ne l’ai pas coupé pour brûler son bois, ni prélevé de branche pour fabriquer un objet. Je l’ai laissé comme ça et j’ai vu un an après l’écorce qui commençait à se décoller du tronc.      Aujourd’hui, un oiseau que j’entends depuis des années, mais que je n’étais jamais parvenu à identifier jusqu’alors, s’est posé dessus. Je l’ai reconnu car il fait un bruit de tapotement régulier. J’ai cru d’abord que c’était un oiseau qui prenait des noisettes ou d’autres fruits à coque pour venir les ouvrir contre l’écorce de l’arbre, un « gros bec casse-noyaux » peut-être ?      Mais aujourd’hui […]
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Newsletter n°39 – juin 2024

Petit à petit

La ronde

S’agrandit.

     Ramasser un bout de bois pour en faire une cuillère à l’aide d’un couteau, c’est un art du peu, comme ces petits objets de pacotille que fabriquent parfois devant vous   des vendeurs de rue : bonhommes en fil de fer, jouets en canettes d’aluminium… en ce qui me concerne, cette pauvreté du matériau et de la technique me va très bien, j’y trouve un cadre en même temps qu’un horizon. Vous prenez le bout de bois, et pas à pas, lui enlevez une petite quantité de matière : dans cette activité presque méditative, il vous apparaît bientôt de manière évidente que la finalité n’est plus l’objet à produire, mais l’activité elle-même. On sculpte pour sculpter, on taille pour tailler. Quand la cuillère est terminée, on la met […]
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Newsletter n°38 – mai 2024

Partout

Sous l’immensité

Du ciel.

     On a beau retourner l’univers dans tous les sens, me disais-je, en fait, on n’y comprend rien. Toutes nos théories, nos sciences, nos religions, nos arts, n’expriment après tout peut-être rien d’autre que cela : notre incompréhension du monde, dans lequel nous sommes pourtant tout entiers immergés mais qui continue à nous échapper, quoiqu’on fasse. Dès lors, quelle différence y a-t-il entre le silence et la parole? Entre un silence qui reçoit cette incompréhension, et une parole qui la dit?      J’aimerais, me disais-je, retranscrire dans les objets que je fabrique quelque chose de cela. L’immensité de ce qui nous dépasse, en même temps que la fragilité de tout ce qui s’y tient : le ciel comme le brin d’herbe, le nuage comme la goutte d’eau. Je […]
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Newsletter n°37 – avril 2024

Il n’y a rien

Dans le tiroir du bureau 

Que j’ai ouvert histoire de voir.

Nakatsuka Ippekiro

     Qui sait ce qui se cache derrière un masque ? Nous vivons dans une civilisation qui considère depuis bien longtemps que le masque est une forme d’illusion, et que derrière le masque se cache la réalité : il faut lever le masque pour  dévoiler la vérité. Mais qui sait si le masque ne montre pas, parfois, quelque chose de plus vrai que ce qu’il cache ? Et si, derrière le masque, il n’y avait rien?…      Avant de donner le mot « personnage », puis « personne », le mot latin persona désignait le masque de l’acteur au théâtre, qui servait à amplifier la voix sur scène (per-sonare : « résonner à travers ») et à représenter le caractère du personnage. Le masque n’est en lui-même personne, […]
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Newsletter n°36 – mars 2024

L’arracheur de navets

Montre le chemin

Avec un navet.

Kobayashi Issa

Quand on apprend un geste, il est d’abord difficile, hésitant, imprécis. On est tendu, on corrige,  on se rattrape aux branches comme on peut. Puis, à force de pratique et de répétitions, des automatismes se mettent en place, des sortes de réflexes qui font que, sans plus y réfléchir, nos mains font ce qu’il y à faire. On peut leur faire confiance. La maîtrise s’installe.  D’un autre côté, au bout d’un moment, on peut trouver ennuyeux de répéter sans cesse les mêmes gestes, et avoir envie d’en apprendre de nouveaux. Essayer autre chose. L’époque actuelle a d’ailleurs volontiers recours à l’expression « sortir de sa zone de confort » pour valoriser l’élan de celui qui délaisse ce qu’il sait faire au profit de ce qu’il ne sait pas encore faire […]
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Newsletter n°35 – février 2024

Qu’on le veuille ou non

la poesie

est une affaire sérieuse.

     Forger une lame de couteau à partir d’une barre de métal demande un engagement physique que j’avais sous-estimé, jusqu’à m’y mettre. Le marteau pèse un bon kilo, et il faut se dépêcher, c’est-à-dire battre le fer tant qu’il est chaud. Or il refroidit très vite. On le remet à chauffer, et on recommence. Tant que l’on travaille à la main, on ne peut pas faire semblant, ni s’économiser. Il faut y aller. C’est vrai pour la forge. Mais plus généralement pour toute opération de fabrication, qui demande un degré d’engagement en-dessous duquel, tout simplement, rien ne se passera.      En grec ancien, « création, fabrication »  se dit poïesis, mot qui a donné « poésie » en français : car on fabrique un poème comme on forge une pièce […]
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Newsletter n°34 – janvier 2024

Dans la forêt verdoyante, mon ermitage.

Seuls le trouvent 

Qui ont perdu leur chemin.

Yotsuya Ryu

     L’ambiance sur les marchés. Il y a le vendeur de saucissons catalans, les 3 pour 10€. « La dégustation est gratuite ! On peut tout goûter sauf le vendeur !… ». Il y a la petite dame qui vend ses objets en verre coloré, dauphins, tortues, chouettes, chacun peut trouver son animal fétiche. Il y règne un esprit de camaraderie immédiat entre les vendeurs : on se tutoie, on se file un coup de main, on se prête une rallonge… Et quand un marché se déroule sur deux jours, on se retrouve le lendemain comme des bons copains, on blague. Le soir venu, par contre, au moment de remballer et de charger sa marchandise, il arrive que tout le monde se précipite pour ramener sa camionnette et partir […]
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