Depuis bientôt deux mois, je fabrique ou restaure des couteaux à plein temps, avec beaucoup de plaisir. Je fais partie de ces gens (nous sommes un certain nombre !) qui aiment les beaux couteaux, un peu collectionneur mais surtout très attaché au bel objet. Quand je dis bel objet je n’entends pas forcément un couteau très complexe, avec beaucoup de fioritures, mais au contraire une simplicité qui coule de source.
Enfant, le couteau c’était le canif avec lequel tailler des flèches, sculpter des bâtons, et parfois, il faut bien le dire, s’entailler le bout du doigt… puis ce fut le couteau suisse avec sa scie, très utile, et tous ces accessoires dont aujourd’hui encore j’ignore à quoi ils servent (si quelqu’un a fait l’armée suisse, je suis preneur d’explications!). Dans mon village jurassien, le couteau c’était aussi celui du grand-père, du paysan, celui qu’on avait toujours sur soi et qu’on sortait à 10h pour « casser la croûte », ou bien dehors dès qu’on avait une « bricole » à arranger. J’ai repris moi aussi cette habitude, il y a quelques années, d’avoir toujours un couteau dans ma poche et de manger avec, sorte d’hommage à cette génération qui, a l’image du héros de Regain de Giono, donnait l’impression d’être « solidement enfoncé(e) dans la terre comme une colonne ». Finalement, il semblerait bien que le couteau ne serve pas qu’à couper, mais aussi, comme tout objet hautement symbolique, à relier : au minerai de fer qu’on a extrait pour forger la lame, à l’arbre dont on a tiré le bois pour le manche, mais aussi aux humains qui se le passent de proche en proche, et de poche en poche.