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Newsletter n°13 – avril 2022

S’il n’y avait ni seigneurs ni mois d’avril sur terre,

Il n’y aurait jamais ni famine ni guerre.

     Quand je travaille le bois, il me semble que je suis l’ « ami du bois », philo-xylon. Est-ce stupide? Puis-je être l’ami du bois sans que le bois, en retour, soit mon ami? Peut-on être ami avec un animal, une plante, une idée? Le philo-sophe, étymologiquement, est l’ « ami de la sagesse ». Pourtant la sagesse est une idée abstraite, un idéal.      Quand on pense amitié, on pense réciprocité. Les amis sont ceux qui se font mutuellement du bien. Qui partagent des choses. Or puis-je être l’ami de quelque chose qui ne peut pas à proprement parler « échanger » avec moi?      Qu’on puisse être ami avec un chien, ou un chat, beaucoup sont pourtant prêts à l’envisager. Nous vivons ensemble, nous nous faisons du bien, nous nous […]
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Newsletter n°12 – mars 2022

Des fleurs qui s’ouvrent en mars, 

on n’en a que le regard.

     Travailler de ses mains, c’est apprendre la patience. Il n’y a pas de raccourcis. La matière résiste, et, même si on la transforme, elle ne se laisse pas faire ! Parmi tous les facteurs sur lesquels on cherche à agir quand on fabrique quelque chose, à partir d’une matière qui résiste, que ce soit un banc en bois ou un plat, il y a le temps. Mais le temps a quelque chose d’irréductible : on ne peut pas le comprimer au-delà d’un certain point. En ce qui concerne le travail du bois, cette durée s’accompagne également d’une répétition : par exemple, dernièrement, pour réaliser simplement les deux pieds d’une table basse, assemblés chacun en carré, j’ai compté pas loin d’une soixantaine de coupes à la scie… à quoi […]
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Newsletter n°11 – février 2022

Au mois de février, pioche tes mûriers.

Dicton ardéchois

A force de travailler le bois, mes mains commencent à changer. De la corne apparaît à certains endroits, au bout du pouce, et sur le côté, à l’endroit ou le couteau appuie quand je sculpte un objet. Des durillons. Des entailles. Des ampoules. Des traces noires. Toutes choses qui indiquent le contact de la main avec l’outil, et l’utilisation de l’outil par la main. Mais surtout, ce qui a changé, c’est le regard que je peux porter sur mes propres mains. Quand on fait un métier dit « intellectuel », les mains aussi sont mobilisées : elles servent à parler, à s’exprimer, à écrire, communiquer. Elles sont d’ailleurs un outil précieux : pourrions-nous encore nous exprimer, avec les mains liées?… A moitié seulement. Mais quand nous parlons avec nos mains, nous oublions […]
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Newsletter n°10 – janvier 2022

Le gentil janvier dit, qu’il est œuf dans la poule.

     L’année dernière, nous avons accueilli une troisième poule chez nous, qui venait d’un élevage. Quand elle est arrivée, elle était toute maigre, avait peur de tout et se faisait rejeter violemment par les deux autres. Elle ne savait pas faire certains comportements pourtant essentiels aux poules, comme gratter la terre pour chercher des vers. Alors elle regardait les deux autres, et peu à peu elle s’est mise à les imiter, sans trop comprendre pourquoi au début. C’en était véritablement touchant. Les semaines passant, elle s’est remplumée, et les autres ont fini par l’accepter. Elle a quitté progressivement sa peur, et a manifesté peu à peu un plaisir évident à arpenter le jardin en long, en large et en travers, elle qui n’avait connu jusque-là qu’un espace très restreint […]
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Newsletter n°9 – décembre 2021

En décembre, fais du bois et endors-toi.

Par souci d’efficacité et de « rentabilité », j’ai acquis trois outils électriques en quelques mois : une scie circulaire, une dégauchisseuse-raboteuse, et une ponceuse à bande. La scie me permet de débiter grossièrement du bois massif, pour tirer par exemple d’un gros plateau de cerisier les quelques planches qui me serviront à faire une boîte. La dégauchisseuse ensuite fait en sorte que ces planches soient bien plates et bien droites. Quant à la ponceuse, elle m’épargne quelques heures d’une partie du travail du bois des plus monotones, fastidieuses et pénibles (poussière). Ces trois outils, donc, me sont bien « utiles », et d’une efficacité redoutable. Je peux, à travers eux, admirer la puissance de l’intelligence humaine, capable de créer, à partir de ce que nous avons trouvé comme matériaux sur terre, des agencements […]
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Newsletter n°8 – novembre 2021

Celui qui ne sait pas planter, plante en Novembre.

     Dans le Jura, où j’ai grandi, tous les vieux savent travailler le bois. Ils n’ont, pour la plupart, aucune formation, aucun diplôme en la matière, et ont tous appris « sur le tas ». Pourtant, je me souviens de cette table aux pieds sculptés, au plateau marqueté, on aurait dit qu’elle sortait de l’atelier d’un ébéniste. Ils ne sont pas « professionnels », mais ce ne sont pas des amateurs. Ce n’est pas un travail, mais c’est plus qu’un loisir. Souvent, ils ont vu leur père effectuer les mêmes gestes ; mais ce ne sont pas des gestes naturels, il leur a fallu les apprendre. En faisant. Les machines ont plusieurs décennies à leur compteur, elles sont là, dans un coin sombre de l’ancienne étable. Comme si elles avaient toujours été là. […]
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Newsletter n°7 – octobre 2021

Vent d’octobre lisse les pelisses

     Avez-vous déjà vu ces images de menuisiers, qui, après avoir raboté une planche, passent leur main sur le bois et caressent le bois?… Un vrai cliché. Et pourtant : c’est un geste irrésistible. Caresser le bois, pour quoi faire? D’abord, pour l’épousseter. Et comme les poils d’un chat, il y a un sens qui glisse, et un autre qui accroche. On appelle cela le « fil » du bois – caresser dans le sens du poil se disant « coucher le fil » en langage de boiseux. Alors, on caresse son chat, on caresse sa planche… La comparaison fait sourire : caresser une planche, vraiment? Que fait celui qui caresse du bois? Il évalue la qualité de son travail ; le résultat de son action sur le bois, de l’action de ses […]
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Newsletter n°6 – septembre 2021

Septembre est arrivé, le soir on bat le blé.

      J’ai toujours connu cet arbre, un pommier. Il a dû pousser là il y a plus de cent ans, facilement. Qui l’a planté? Quelqu’un l’a-t-il planté ?… C’est un arbre pas très haut, mais avec de magnifiques branches, épaisses et tortueuses. Ses pommes sont petites, ce ne sont peut-être pas les plus belles, mais elles font une excellente compote. J’ai toujours connu cet arbre avec un grand trou dans le milieu de son tronc, une véritable petite grotte. Parfois, même, un oiseau venait y faire son nid. Cette année, ce pommier a fait pousser ses dernières feuilles. Elles sont apparues, minuscules, au printemps, sur une seule branche ; mais à l’été, elles étaient déjà tombées. J’ai regardé l’arbre et j’ai vu que sur nombre de ses branches, […]
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Newsletter n°5 – août 2021

Août couve, septembre fait naître.

      Quand venait l’été, et, parfois, au plus profond des grandes vacances, les longs moments d’ennui, il nous arrivait, enfants, de prendre un bâton, un canif, et de tailler, sculpter, orner, sans trop savoir au juste où cela nous emmènerait. Mais l’activité même avait le mérite de nous occuper, on ne voyait plus le temps passer, et les heures défilaient, assis sur un mur en pierre, tandis que les copeaux s’accumulaient par terre. Il n’y avait pas vraiment de but, ni d’objectif, mais faire cela requérait toute notre attention. Nous étions absorbés. Quoiqu’il en soit, on était fier du résultat, et même des petites coupures sur les doigts. Je ne peux pas ne pas repenser à ces moments-là, quand aujourd’hui, je prends un bout de bois, m’assois au […]
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Newsletter n°4 – juillet 2021

Au mois de juillet, ni veste, ni corset.

Anonyme.

Avec la réouverture des terrasses, j’ai pu m’adonner à nouveau, enfin, à l’une des activités dont nous étions privés depuis quasiment un an : l’observation des passants. Or il m’est apparu, à bien y regarder, que chacun dans la rue semble faire effort pour être quelqu’un, ou du moins en avoir l’air. J’entends quelqu’un d’unique, ou du moins d’unique en son genre : chacun son style, chacun son accessoire, chacun sa démarche, chacun sa manière de se tenir, chacun ses tatouages… je me suis demandé, alors, si derrière cette apparente diversité, ne se cachait pas en réalité une grande uniformité : chacun son style, mais tous stylés. Chacun unique, mais tous uniques… et de l’uniformité au conformisme, il n’y a qu’un pas. Peut-être, même, que cette quête de l’individualité de […]
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