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Newsletter n°23 – février 2023

Il faut s’accepter comme sujet faillible pour aimer l’autre et la vie.

Thomas Vinterberg, Drunk

Qui ne fait pas d’erreur? Dans le travail du bois, personne. Il y a, bien sûr, les « erreurs de débutant », celles qu’il faut absolument commencer par faire, au moins une fois, pour comprendre les fondamentaux. Il y a ensuite les erreurs qu’on sait être en train de faire, mais que l’on fait quand même en espérant que « ça passe »… et souvent, ça ne passe pas, on se demande alors pourquoi on a fait ce que l’on savait pertinemment être une erreur. Il y a les erreurs d’impatience, les erreurs de précipitation : plus on veut aller vite, et plus on perd de temps à les rattraper, faisant de nouvelles erreurs. Il y a les erreurs que l’on a déjà faites, mais qui ne nous ont pas vacciné : on les […]
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Newsletter n°22 – janvier 2023

Avant d’être bourrée d’objets, la pièce était belle : des murs passés à la chaux, un simple plancher, et une lampe brillant au plafond. Un objet d’art trônait au milieu de la pièce et c’était beau. Tout le monde venait jouir de cette beauté, à commencer par nous.

Chögyam Trungpa, Pratique de la voie tibétaine

     Nous aimons bien remplir. Remplir notre maison, remplir notre agenda, remplir notre vie. Une vie bien remplie. Et plus nous remplissons, moins il y a de vide. Le vide effraie, est désagréable, nous met mal à l’aise. Un blanc dans la conversation. Un moment où nous ne savons plus quoi faire, quoi dire. Où nous n’avons aucune tâche à accomplir, aucun travail à rendre, aucune obligation qui nous réquisitionne. Cela peut vite devenir angoissant…      Mais nous aimons aussi bien vider : faire un grand ménage de printemps, jeter, se débarrasser. Vider son sac. On se sent généralement mieux après. Après avoir fait le vide. Alors, on peut recommencer à remplir, entasser, accumuler, et démarrer un nouveau cycle. Jusqu’à la prochaine fois.      Peut-être qu’en réalité, […]
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Newsletter n°21 – décembre 2022

Qu’y faire?

Sur mes contradictions

Le vent souffle.

            Taneda Santoka

     Pourquoi nous humains, sommes-nous tellement attachés à l’idée d’harmonie? Les Grecs déjà appelaient cosmos le ciel étoilé, qui signifie « beau » : et ce qui était beau pour eux, c’était d’abord l’organisation mathématique parfaite des mouvements célestes. Dans les œuvres humaines, on peut également retrouver l’idée que ce qui est beau est harmonieux à travers le nombre d’or, censé déterminer les bonnes proportions d’un édifice ou d’une statue. Ce qui est harmonieux obéirait à des lois bien précises, et tout ce qui sort du cadre de ces lois serait voué à heurter notre sensibilité et à nous faire mal aux oreilles. Peut-être. D’un autre côté, nous aimons bien, parfois, être dérangés, secoués, titillés. L’harmonie peut être ennuyante, attendue, et ne pas nous surprendre suffisamment. Rechercher l’harmonie à tout prix, […]
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Newsletter n°20 – novembre 2022

Tout l’automne à la fin n’est qu’une tisane froide. Les feuilles mortes de toutes essences macèrent dans la pluie.

Francis Ponge, La fin de l’automne

     L’automne touche à sa fin et laisse peu à peu place à l’hiver… dans l’atelier, on commence à allumer le chauffage. Les poules viennent se réfugier et râler quand il pleut. Les copeaux s’entassent à côté des feuilles mortes charriées par le vent. A mesure que je rabote la planche de noyer qui m’occupe, celle-ci s’amincit et perd de la matière à chaque passage de la lame. Je me dis que parfois, enlever signifie créer. La création n’est pas forcément ajout de matière, épaississement, empilage… elle peut être l’inverse. Couper, limer, poncer : de l’arbre au résultat final, on y perd beaucoup. La mise en forme de l’objet se traduit alors par l’accumulation des chutes d’abord, puis des copeaux, et enfin des poussières. La structure fibreuse de l’arbre […]
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Newsletter n°19 – octobre 2022

Traînant des pieds 

Dans les feuilles mortes

J’ai huit ans.

Du pain et du chocolat en guise de « quatre heure ». Des morceaux de pain qui gonflent dans la soupe. Un pain mou, acide, ordinaire, tout ce qu’il y a de plus éloigné des miches « campagnardes » et autres « bûcherons » aux graines qui trônent aujourd’hui sur les étals des boulangers. Les miettes de pain, balayées avec la tranche de la main, tombaient de la toile cirée dans la paume de l’autre main, avant d’être rangées dans une boite en fer. Le pain sec, s’il y en avait, était mis à tremper pour les poules. La flûte déjà entamée rejoignait la boîte à pain, en bois, avec son clapet sculpté. Souvenirs d’enfance qui ont laissé des traces. On enlevait des petits éclats de croûte du bout des ongles, en guise d’apéritif en attendant […]
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Newsletter n° 18 – septembre 2022

Mouillé de rosée

Matinale je vais

Par où je veux.

        Taneda Santoka

Comment, parfois, ne pas crouler sous la beauté du monde? Je me posais cette question alors que les motifs ne manquent pas, à l’inverse, de ressentir la cruauté et la difficulté du monde qui est le nôtre. De notre époque, de l’idée de fin du monde qu’elle s’auto-pronostique, s’auto-administre constamment. Je repensais alors à ce film de Lars von Trier, Melancholia. Il y est question d’une planète qui s’apprête à frapper et à détruire immanquablement la terre. A travers les différents personnages, on explore les différentes réponses existentielles à cette menace : le déni, la panique, la résignation… notamment, le personnage incarné par l’actrice Kirsten Dunst, un peu à part, nous montre des possibilités étonnantes face à l’imminence d’un tel danger : s’allonger nu sous la lune, construire une cabane […]
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Newsletter n°17 – août 2022

L’été passe.

Je soulève un store

Je ne regarde rien.

Nakamura Teijo

L’une des choses les plus importantes quand on travaille le bois, c’est l’affûtage des outils. Ceux-ci doivent toujours être affûtés, et le mieux possible. C’est une tâche qui revient régulièrement, voire quotidiennement pour certains outils. Elle peut sembler répétitive, monotone et fastidieuse, et finir par décourager les bonnes volontés : on commence avec une pierre de grain grossier, puis on passe à une pierre de grain plus fin, et ainsi de suite… jusqu’à obtenir un tranchant rasoir,  littéralement. Pourquoi est-ce si important? La première raison, la plus évidente, c’est qu’on travaille beaucoup mieux et facilement avec un outil affûté. Mieux il coupe et moins vous avez à faire d’efforts, donc plus vous serez efficace et précis. A cette condition, le travail aux outils à main peut d’ailleurs paraître étonnamment peu […]
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Newsletter n°16 – juillet 2022

Le riz est savoureux

Le ciel bleu

Bleu.

 

Taneda Santoka

     Depuis quelques mois, je me suis pris de passion pour la fabrication de bancs. Toujours en bois brut, aux outils à main, et avec des assemblages japonais. Le banc lui-même n’est pas en soi un objet raffiné, il offre une assise brute, terrienne, sans dossier pour atténuer l’effet de la gravité. Il donne « la sensation de la terre et du solide », comme le dit Chögyam Trungpa à propos de la méditation (Pratique de la voie tibétaine). Un banc permet en effet la méditation, le repos, sans être pour autant fait pour le confort. On peut s’y asseoir seul, mais il est prêt à accueillir d’autres personnes. Assis sur un banc, nous sommes proches de notre voisin, plus proches que si nous étions l’un en face de l’autre, chacun […]
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Newsletter n°15 – juin 2022

La lampe éteinte

les étoiles fraîches

se glissent par la fenêtre

Natsume Sôseki

     Pour pousser, un arbre a besoin de lumière, de gaz carbonique et d’eau. La lumière vient du soleil, l’étoile la plus proche de nous. Le carbone, d’après les scientifiques, proviendrait originairement du milieu interstellaire. Quant à l’eau, elle aurait été apportée en premier lieu sur terre par des comètes de passage dans les environs. A partir de là, pourquoi ne pas envisager, quand on travaille le bois, qu’on modèle indirectement de l’étoile, du cosmos et des comètes?… Mais nous aussi, en réalité, sommes faits de cette matière-là. Nous, terriens, qui posons nos deux pieds sur le sol, qui prenons appui sur ce même sol pour pousser le rabot ou tirer la scie, nous, terriens, ne serions ainsi pas si terrien que cela. Les arbres, qui poussent, et en […]
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Newsletter n°14 – mai 2022

La cueillir quel dommage !

la laisser quel dommage !

Ah ! Cette violette

                  Naojo (pseudonyme japonais de l’auteur français Roger Munier)

     Le chef Thibaut Spiwack, candidat dans l’émission de cuisine Top Chef, a déclaré lors de l’une de ces émissions : « Tout le monde a une histoire à raconter… mais on n’est pas obligé de raconter la sienne ». C’est en effet presque devenu une banalité, en cuisine, de dire que l’on « raconte une histoire » à travers un plat. Chacun y va alors de son souvenir d’enfance, de la purée de sa grand-mère, d’une émotion ressentie lors d’un voyage, etc. Cela permet à celui qui confectionne le plat de trouver l’inspiration, de créer un plat qui aura une unité, une cohérence, tout en partageant, à travers ce plat, un sentiment. Mais d’un autre côté, n’avez-vous jamais éprouvé un certain ennui quand un proche ou un ami vous raconte ses vacances, […]
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