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Newsletter n° 18 – septembre 2022

Mouillé de rosée

Matinale je vais

Par où je veux.

        Taneda Santoka

Comment, parfois, ne pas crouler sous la beauté du monde? Je me posais cette question alors que les motifs ne manquent pas, à l’inverse, de ressentir la cruauté et la difficulté du monde qui est le nôtre. De notre époque, de l’idée de fin du monde qu’elle s’auto-pronostique, s’auto-administre constamment. Je repensais alors à ce film de Lars von Trier, Melancholia. Il y est question d’une planète qui s’apprête à frapper et à détruire immanquablement la terre. A travers les différents personnages, on explore les différentes réponses existentielles à cette menace : le déni, la panique, la résignation… notamment, le personnage incarné par l’actrice Kirsten Dunst, un peu à part, nous montre des possibilités étonnantes face à l’imminence d’un tel danger : s’allonger nu sous la lune, construire une cabane […]
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Newsletter n°17 – août 2022

L’été passe.

Je soulève un store

Je ne regarde rien.

Nakamura Teijo

L’une des choses les plus importantes quand on travaille le bois, c’est l’affûtage des outils. Ceux-ci doivent toujours être affûtés, et le mieux possible. C’est une tâche qui revient régulièrement, voire quotidiennement pour certains outils. Elle peut sembler répétitive, monotone et fastidieuse, et finir par décourager les bonnes volontés : on commence avec une pierre de grain grossier, puis on passe à une pierre de grain plus fin, et ainsi de suite… jusqu’à obtenir un tranchant rasoir,  littéralement. Pourquoi est-ce si important? La première raison, la plus évidente, c’est qu’on travaille beaucoup mieux et facilement avec un outil affûté. Mieux il coupe et moins vous avez à faire d’efforts, donc plus vous serez efficace et précis. A cette condition, le travail aux outils à main peut d’ailleurs paraître étonnamment peu […]
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Newsletter n°16 – juillet 2022

Le riz est savoureux

Le ciel bleu

Bleu.

 

Taneda Santoka

     Depuis quelques mois, je me suis pris de passion pour la fabrication de bancs. Toujours en bois brut, aux outils à main, et avec des assemblages japonais. Le banc lui-même n’est pas en soi un objet raffiné, il offre une assise brute, terrienne, sans dossier pour atténuer l’effet de la gravité. Il donne « la sensation de la terre et du solide », comme le dit Chögyam Trungpa à propos de la méditation (Pratique de la voie tibétaine). Un banc permet en effet la méditation, le repos, sans être pour autant fait pour le confort. On peut s’y asseoir seul, mais il est prêt à accueillir d’autres personnes. Assis sur un banc, nous sommes proches de notre voisin, plus proches que si nous étions l’un en face de l’autre, chacun […]
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Newsletter n°15 – juin 2022

La lampe éteinte

les étoiles fraîches

se glissent par la fenêtre

Natsume Sôseki

     Pour pousser, un arbre a besoin de lumière, de gaz carbonique et d’eau. La lumière vient du soleil, l’étoile la plus proche de nous. Le carbone, d’après les scientifiques, proviendrait originairement du milieu interstellaire. Quant à l’eau, elle aurait été apportée en premier lieu sur terre par des comètes de passage dans les environs. A partir de là, pourquoi ne pas envisager, quand on travaille le bois, qu’on modèle indirectement de l’étoile, du cosmos et des comètes?… Mais nous aussi, en réalité, sommes faits de cette matière-là. Nous, terriens, qui posons nos deux pieds sur le sol, qui prenons appui sur ce même sol pour pousser le rabot ou tirer la scie, nous, terriens, ne serions ainsi pas si terrien que cela. Les arbres, qui poussent, et en […]
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Newsletter n°14 – mai 2022

La cueillir quel dommage !

la laisser quel dommage !

Ah ! Cette violette

                  Naojo (pseudonyme japonais de l’auteur français Roger Munier)

     Le chef Thibaut Spiwack, candidat dans l’émission de cuisine Top Chef, a déclaré lors de l’une de ces émissions : « Tout le monde a une histoire à raconter… mais on n’est pas obligé de raconter la sienne ». C’est en effet presque devenu une banalité, en cuisine, de dire que l’on « raconte une histoire » à travers un plat. Chacun y va alors de son souvenir d’enfance, de la purée de sa grand-mère, d’une émotion ressentie lors d’un voyage, etc. Cela permet à celui qui confectionne le plat de trouver l’inspiration, de créer un plat qui aura une unité, une cohérence, tout en partageant, à travers ce plat, un sentiment. Mais d’un autre côté, n’avez-vous jamais éprouvé un certain ennui quand un proche ou un ami vous raconte ses vacances, […]
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Newsletter n°13 – avril 2022

S’il n’y avait ni seigneurs ni mois d’avril sur terre,

Il n’y aurait jamais ni famine ni guerre.

     Quand je travaille le bois, il me semble que je suis l’ « ami du bois », philo-xylon. Est-ce stupide? Puis-je être l’ami du bois sans que le bois, en retour, soit mon ami? Peut-on être ami avec un animal, une plante, une idée? Le philo-sophe, étymologiquement, est l’ « ami de la sagesse ». Pourtant la sagesse est une idée abstraite, un idéal.      Quand on pense amitié, on pense réciprocité. Les amis sont ceux qui se font mutuellement du bien. Qui partagent des choses. Or puis-je être l’ami de quelque chose qui ne peut pas à proprement parler « échanger » avec moi?      Qu’on puisse être ami avec un chien, ou un chat, beaucoup sont pourtant prêts à l’envisager. Nous vivons ensemble, nous nous faisons du bien, nous nous […]
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Newsletter n°12 – mars 2022

Des fleurs qui s’ouvrent en mars, 

on n’en a que le regard.

     Travailler de ses mains, c’est apprendre la patience. Il n’y a pas de raccourcis. La matière résiste, et, même si on la transforme, elle ne se laisse pas faire ! Parmi tous les facteurs sur lesquels on cherche à agir quand on fabrique quelque chose, à partir d’une matière qui résiste, que ce soit un banc en bois ou un plat, il y a le temps. Mais le temps a quelque chose d’irréductible : on ne peut pas le comprimer au-delà d’un certain point. En ce qui concerne le travail du bois, cette durée s’accompagne également d’une répétition : par exemple, dernièrement, pour réaliser simplement les deux pieds d’une table basse, assemblés chacun en carré, j’ai compté pas loin d’une soixantaine de coupes à la scie… à quoi […]
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Newsletter n°11 – février 2022

Au mois de février, pioche tes mûriers.

Dicton ardéchois

A force de travailler le bois, mes mains commencent à changer. De la corne apparaît à certains endroits, au bout du pouce, et sur le côté, à l’endroit ou le couteau appuie quand je sculpte un objet. Des durillons. Des entailles. Des ampoules. Des traces noires. Toutes choses qui indiquent le contact de la main avec l’outil, et l’utilisation de l’outil par la main. Mais surtout, ce qui a changé, c’est le regard que je peux porter sur mes propres mains. Quand on fait un métier dit « intellectuel », les mains aussi sont mobilisées : elles servent à parler, à s’exprimer, à écrire, communiquer. Elles sont d’ailleurs un outil précieux : pourrions-nous encore nous exprimer, avec les mains liées?… A moitié seulement. Mais quand nous parlons avec nos mains, nous oublions […]
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Newsletter n°10 – janvier 2022

Le gentil janvier dit, qu’il est œuf dans la poule.

     L’année dernière, nous avons accueilli une troisième poule chez nous, qui venait d’un élevage. Quand elle est arrivée, elle était toute maigre, avait peur de tout et se faisait rejeter violemment par les deux autres. Elle ne savait pas faire certains comportements pourtant essentiels aux poules, comme gratter la terre pour chercher des vers. Alors elle regardait les deux autres, et peu à peu elle s’est mise à les imiter, sans trop comprendre pourquoi au début. C’en était véritablement touchant. Les semaines passant, elle s’est remplumée, et les autres ont fini par l’accepter. Elle a quitté progressivement sa peur, et a manifesté peu à peu un plaisir évident à arpenter le jardin en long, en large et en travers, elle qui n’avait connu jusque-là qu’un espace très restreint […]
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Newsletter n°9 – décembre 2021

En décembre, fais du bois et endors-toi.

Par souci d’efficacité et de « rentabilité », j’ai acquis trois outils électriques en quelques mois : une scie circulaire, une dégauchisseuse-raboteuse, et une ponceuse à bande. La scie me permet de débiter grossièrement du bois massif, pour tirer par exemple d’un gros plateau de cerisier les quelques planches qui me serviront à faire une boîte. La dégauchisseuse ensuite fait en sorte que ces planches soient bien plates et bien droites. Quant à la ponceuse, elle m’épargne quelques heures d’une partie du travail du bois des plus monotones, fastidieuses et pénibles (poussière). Ces trois outils, donc, me sont bien « utiles », et d’une efficacité redoutable. Je peux, à travers eux, admirer la puissance de l’intelligence humaine, capable de créer, à partir de ce que nous avons trouvé comme matériaux sur terre, des agencements […]
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