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Newsletter n°27 – juin 2023

Assis à ma place

Au milieu

D’une rivière.

     Quand on y pense, l’espèce humaine semble bien avoir la bougeotte. Dès le matin, tout le monde s’agite pour aller à l’école ou au travail, c’est un ballet bien réglé. Le soir, rebelote. Et le week-end, si possible, on part en week-end : on va voir des amis, la famille… en vacances, si possible, on part plus loin, plus vite. Et à quoi occupons-nous nos journées, après nous être déplacés ? A déplacer des objets, des dossiers, ou de l’information – travailler se résumant généralement à déplacer quelque chose. Ranger, nettoyer, parler, couper, tailler, envoyer.      A côté de ça, au bord de la route, dans les allées, dans les parcs, vous avez des arbres. On passe sans les regarder, ils font partie du décor. Ça fait […]
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Newsletter n°26 – mai 2023

Longue nuit

Le singe rêve au moyen

D’attraper la lune.

Masaoka Shiki

     Qui est-on si l’on travaille le bois sans avoir fait d’école ou de formation spécifique? Ni menuisier, ni ébéniste. On est « autodidacte » dit la langue française, c’est-à-dire que l’on a appris tout seul. Étonnant comme mot, quand on songe que l’on n’apprend jamais quoi que ce soit « tout seul ». Pour apprendre un geste, on s’appuie sur d’autres gestes que l’on n’a pas appris « tout seul ». Et comment séparer, dans ce que l’on fait, ce qui vient de nous et ce qui vient d’autrui? On n’est jamais autodidacte. On parle avec les autres, on observe ce qui a été fait avant nous, on utilise des outils que l’on n’a pas inventés soi-même. On regarde des « tutos », on consulte des manuels, on parle avec le bois – et on essaye […]
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Newsletter n°25 – avril 2023

Même le vert

Du pin au feuillage pérenne, 

Quand vient le printemps, semble avoir été teint de frais : 

Son éclat est plus profond.

Minamoto no Muneyuki

     Alors comme ça, le printemps revient. On connaît sa ritournelle : d’abord les giboulées, puis le soleil, puis le froid, le givre à nouveau, et encore le soleil… on le sait, le soleil finira par l’emporter, les arbres le savent, les oiseaux le savent. La sève monte dans les troncs, les feuilles « débourrent » à partir des bourgeons. Comme à chaque fois. A chaque fois comme la première fois. Car le printemps est une première fois, un début à tout, un re-commencement. Il nous offre cette chance. Voilà 365 jours et 1/4 que notre planète ne s’était pas trouvée à cet endroit autour du soleil, profitons-en ! Oui certes, entretemps le soleil lui-même a bougé, et nous avec, et toute la galaxie…  mais faisons semblant. Cyclique, éternel, nouveau le […]
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Newsletter n°24 – mars 2023

La lumière des arbres

Sur les talus de février

Si fragile.

Yamaguchi Sodo

 

     Chacun sait depuis l’enfance comment deviner l’âge d’un arbre coupé en comptant les cernes du bois. Un objet en bois, à travers son veinage, nous donne une image du temps – et c’est parfois vertigineux, comparé à notre échelle de vie. Dans les dessins d’une planche, on retrouve ces traces qui témoignent du temps qui a passé pour cet arbre. Concrétions de temps qui nous donnent à toucher ce qui nous échappe : le passage du temps. Et pourtant nous savons bien qu’il passe, car nous aussi nous en portons les traces. Le temps passe, et fait pousser les arbres, et fait des plis sur la peau. Nous ne le voyons pas en train de passer, mais nous constatons son passage : déjà. Un an déjà, 10 ans […]
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Newsletter n°23 – février 2023

Il faut s’accepter comme sujet faillible pour aimer l’autre et la vie.

Thomas Vinterberg, Drunk

Qui ne fait pas d’erreur? Dans le travail du bois, personne. Il y a, bien sûr, les « erreurs de débutant », celles qu’il faut absolument commencer par faire, au moins une fois, pour comprendre les fondamentaux. Il y a ensuite les erreurs qu’on sait être en train de faire, mais que l’on fait quand même en espérant que « ça passe »… et souvent, ça ne passe pas, on se demande alors pourquoi on a fait ce que l’on savait pertinemment être une erreur. Il y a les erreurs d’impatience, les erreurs de précipitation : plus on veut aller vite, et plus on perd de temps à les rattraper, faisant de nouvelles erreurs. Il y a les erreurs que l’on a déjà faites, mais qui ne nous ont pas vacciné : on les […]
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Newsletter n°22 – janvier 2023

Avant d’être bourrée d’objets, la pièce était belle : des murs passés à la chaux, un simple plancher, et une lampe brillant au plafond. Un objet d’art trônait au milieu de la pièce et c’était beau. Tout le monde venait jouir de cette beauté, à commencer par nous.

Chögyam Trungpa, Pratique de la voie tibétaine

     Nous aimons bien remplir. Remplir notre maison, remplir notre agenda, remplir notre vie. Une vie bien remplie. Et plus nous remplissons, moins il y a de vide. Le vide effraie, est désagréable, nous met mal à l’aise. Un blanc dans la conversation. Un moment où nous ne savons plus quoi faire, quoi dire. Où nous n’avons aucune tâche à accomplir, aucun travail à rendre, aucune obligation qui nous réquisitionne. Cela peut vite devenir angoissant…      Mais nous aimons aussi bien vider : faire un grand ménage de printemps, jeter, se débarrasser. Vider son sac. On se sent généralement mieux après. Après avoir fait le vide. Alors, on peut recommencer à remplir, entasser, accumuler, et démarrer un nouveau cycle. Jusqu’à la prochaine fois.      Peut-être qu’en réalité, […]
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Newsletter n°21 – décembre 2022

Qu’y faire?

Sur mes contradictions

Le vent souffle.

            Taneda Santoka

     Pourquoi nous humains, sommes-nous tellement attachés à l’idée d’harmonie? Les Grecs déjà appelaient cosmos le ciel étoilé, qui signifie « beau » : et ce qui était beau pour eux, c’était d’abord l’organisation mathématique parfaite des mouvements célestes. Dans les œuvres humaines, on peut également retrouver l’idée que ce qui est beau est harmonieux à travers le nombre d’or, censé déterminer les bonnes proportions d’un édifice ou d’une statue. Ce qui est harmonieux obéirait à des lois bien précises, et tout ce qui sort du cadre de ces lois serait voué à heurter notre sensibilité et à nous faire mal aux oreilles. Peut-être. D’un autre côté, nous aimons bien, parfois, être dérangés, secoués, titillés. L’harmonie peut être ennuyante, attendue, et ne pas nous surprendre suffisamment. Rechercher l’harmonie à tout prix, […]
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Newsletter n°20 – novembre 2022

Tout l’automne à la fin n’est qu’une tisane froide. Les feuilles mortes de toutes essences macèrent dans la pluie.

Francis Ponge, La fin de l’automne

     L’automne touche à sa fin et laisse peu à peu place à l’hiver… dans l’atelier, on commence à allumer le chauffage. Les poules viennent se réfugier et râler quand il pleut. Les copeaux s’entassent à côté des feuilles mortes charriées par le vent. A mesure que je rabote la planche de noyer qui m’occupe, celle-ci s’amincit et perd de la matière à chaque passage de la lame. Je me dis que parfois, enlever signifie créer. La création n’est pas forcément ajout de matière, épaississement, empilage… elle peut être l’inverse. Couper, limer, poncer : de l’arbre au résultat final, on y perd beaucoup. La mise en forme de l’objet se traduit alors par l’accumulation des chutes d’abord, puis des copeaux, et enfin des poussières. La structure fibreuse de l’arbre […]
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Newsletter n°19 – octobre 2022

Traînant des pieds 

Dans les feuilles mortes

J’ai huit ans.

Du pain et du chocolat en guise de « quatre heure ». Des morceaux de pain qui gonflent dans la soupe. Un pain mou, acide, ordinaire, tout ce qu’il y a de plus éloigné des miches « campagnardes » et autres « bûcherons » aux graines qui trônent aujourd’hui sur les étals des boulangers. Les miettes de pain, balayées avec la tranche de la main, tombaient de la toile cirée dans la paume de l’autre main, avant d’être rangées dans une boite en fer. Le pain sec, s’il y en avait, était mis à tremper pour les poules. La flûte déjà entamée rejoignait la boîte à pain, en bois, avec son clapet sculpté. Souvenirs d’enfance qui ont laissé des traces. On enlevait des petits éclats de croûte du bout des ongles, en guise d’apéritif en attendant […]
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Newsletter n° 18 – septembre 2022

Mouillé de rosée

Matinale je vais

Par où je veux.

        Taneda Santoka

Comment, parfois, ne pas crouler sous la beauté du monde? Je me posais cette question alors que les motifs ne manquent pas, à l’inverse, de ressentir la cruauté et la difficulté du monde qui est le nôtre. De notre époque, de l’idée de fin du monde qu’elle s’auto-pronostique, s’auto-administre constamment. Je repensais alors à ce film de Lars von Trier, Melancholia. Il y est question d’une planète qui s’apprête à frapper et à détruire immanquablement la terre. A travers les différents personnages, on explore les différentes réponses existentielles à cette menace : le déni, la panique, la résignation… notamment, le personnage incarné par l’actrice Kirsten Dunst, un peu à part, nous montre des possibilités étonnantes face à l’imminence d’un tel danger : s’allonger nu sous la lune, construire une cabane […]
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