Newsletter n°3 – juin 2021

Au mois de juin,
La faux au poing !

Dicton ardéchois

On dit que les charpentiers japonais, en guise de touche finale pour couronner leur ouvrage, assènent un coup de masse sur l’une des poutres porteuses de la maison, afin de la décaler légèrement. Histoire de signifier que même le plus beau des ouvrages ne saurait être parfait – et Dieu sait si les Japonais s’y connaissent en matière de perfection.

Pour ma part, je n’ai pas besoin d’infliger un petit défaut de cet ordre à mes objets en bois, une fois que je les ai terminés, car ils sont de toute manière imparfaits. A les regarder de près, on trouvera aisément là, une trace de couteau, ici, une différence d’épaisseur, ou encore, parfois, une petite fissure. Et à vrai dire, je trouve que c’est aussi ce qui fait leur charme, ou du moins leur identité, car, littéralement, je les fabrique « à la main ». J’ai bien essayé, l’année dernière, de fabriquer une cuillère la plus parfaite possible, la plus symétrique possible, avec un ponçage au poil. Eh bien, déception ! on aurait dit que cette cuillère avait été faite à la machine… Jusqu’où le travail manuel doit-il faire disparaître toute trace de la main qui fabrique?

Ce que j’aime, moi, dans le travail à la main, c’est le peu d’intermédiaires qui se tiennent entre ma main et le bois que je travaille. Souvent, les gens me disent : « pourquoi tu n’achètes pas une machine?… tu gagnerais du temps, tu te fatigues pour rien… ». Peut-être, mais la machine met à distance le matériau travaillé, autrement dit, diminue la surface de contact. A quoi bon travailler le bois, si c’est pour le mettre à distance?…

Il existe aujourd’hui, dans le domaine de la charpente, des machines qui sont capables de « tailler » (couper) le bois de manière extrêmement précise, plus précise que la main humaine ne peut le faire. Cela permet des assemblages absolument impeccables. Mais à choisir, que préféreriez-vous? Une maison en bois construite imparfaitement à la main, ou parfaitement, à la machine?… Si, devant un assemblage impressionnant, on vous apprend qu’il a été fait par une machine, serez-vous autant impressionné?… Pourtant la machine est elle aussi le fruit de l’intelligence et du savoir-faire humain…

Il me semble que la question ressemble à celle-ci : si on vous apprend qu’un tableau que vous admirez est en réalité une copie, même si cette copie est parfaite, ne perd-elle pas de sa valeur? D’où vient la valeur du travail accompli?…

A la main, en réalité, pour moi, cela pourrait se traduire par : avec tout mon être. Travailler à la main, c’est s’engager tout entier, corps et âme, dans la transformation du bois. Alors peut-être que le résultat est imparfait. À coup sûr, même. Mais qui a dit qu’une faille était nécessairement une faiblesse?…

Newsletter n°2 – mai 2021

La grenouille qui chante avant le mois de mai,

ferait mieux de se taire.

Dicton breton.

Quand j’étais étudiant, il m’est arrivé d’avoir mal au dos. C’est ainsi que je me suis retrouvé chez un ostéopathe, dans le XV° arrondissement de Paris, dont j’avais trouvé le nom dans les Pages Jaunes. Une fois la séance terminée, tandis qu’il me prodiguait les derniers conseils, j’abordai la question du règlement de la séance… est-ce que, à tout hasard, il ne lui arrivait pas de pratiquer un « tarif étudiant »? mes ressources, en effet, ne se trouvaient pas au plus haut. Le voilà qui lève la tête, réfléchit, puis me dit : « Attendez, j’ai une idée… vous savez bricoler? ». Moi : « – euh… oui, un peu ». Je ne savais pas exactement ce qu’il entendait par « savoir bricoler », mais j’avais bien, enfant, passé un peu de temps avec mes copains à construire des cabanes, une luge (qui ne glissait pas), une table (bancale), et quelques objets dont le principal mérite était de nous occuper quelques heures, ou quelques jours, quand on ne savait plus quoi faire.

Il décroche son téléphone : « je pourrai pas venir samedi, mais j’ai trouvé quelqu’un pour t’aider, un étudiant ». Il se tourne vers moi : « voilà, donc, je vous explique : j’ai une amie qui s’installe dans son salon de coiffure ce week-end, et malheureusement, je ne peux pas aller l’aider. Alors… vous ne me devez rien, mais allez lui monter son étagère ! ».

C’est ainsi que, le samedi d’après, je frappe à la porte d’un salon de coiffure, où plusieurs personnes s’affairaient déjà à ranger, peindre… Très vite, la fameuse coiffeuse m’indique l’arrière-boutique, où je découvre mon travail : assembler entièrement un ensemble étagères / tiroirs qui faisait quasiment toute la largeur du mur… « Assembler », enfin plutôt « construire » : aucune notice, et des plaques de bois dont certaines n’étaient pas percées, ou pas au bon endroit (en tout cas d’après moi!)… bref, pas du IKEA. J’y passe tout mon samedi, et reviens le dimanche. Je perce, reperce, ça ne va pas, ce n’est pas droit… vais-je y arriver? Finalement, je fabrique quelque chose qui tient, et lui annonce, un peu hésitant, que j’ai terminé. Ravie, elle me dit : « super ! assieds-toi, je vais te couper les cheveux !… ». Et voilà comment, en ayant mal au dos, je me suis retrouvé avec les cheveux courts.

Depuis que je travaille le bois, je passe l’essentiel de mon temps dans mon petit atelier, avec juste avec mes outils, ma radio, et le bois. C’est un peu mon arrière-boutique. Mais, régulièrement je sors, et me voilà par exemple dans un chantier à Paris, à faire connaissance avec des maçons polonais. Comme quoi, le voyage est à portée d’étagères.

A propos de voyage, je serai le vendredi 14 mai au marché de Senlis, pour mon premier marché, sur le stand de l’épicerie fine Aux Antipodes !…

Newsletter n°1 – avril 2021

Au moment où commence avril,
L’esprit doit se montrer subtil.

                                   Saint Urbain de Langres

Bientôt deux ans que j’ai découvert / redécouvert le travail du bois, et que je suis « tombé dedans ». Et un an déjà que, confiné, je faisais l’expérience que le travail salarié ne me manquait absolument pas, et que germait le rêve de ne faire « que ça », que travailler le bois. Bientôt peut-être !… 

En attendant, comme vous avez pu le voir, Charpenté grandit : site internet, boutique Etsy, compte Instagram, et quelques objets en dépôt-vente dans l’excellente épicerie fine « Aux Antipodes », à Senlis !

N’hésitez pas à me faire part de vos suggestions et commentaires pour améliorer tout ça, et si vous avez des idées d’objets ou si vous voyez passer des photos inspirantes, je prends !…

Ces dernières semaines je suis allé faire scier tout un tas de rondins de bois, mon atelier est maintenant rempli de planches de toutes sortes d’essences en train de sécher : l’odeur est forte, et rassurante à la fois. Chaque essence a son odeur : le noyer, en particulier, dégage une odeur très puissante, presque animale. Certains seraient peut-être dérangés par cette odeur, moi non, au contraire ! Chaque arbre a son identité, exprime son identité même en séchant. Le robinier, lui sent les petits bâtonnets de réglisse en bois… et tout ça se mélange joyeusement. Toute une petite forêt sur mes étagères : chêne, noyer, merisier, cerisier, érable, robinier, tilleul, poirier, prunier… ils sont là, derrière moi, et m’accompagnent pendant que je travaille. En attendant, ils patientent, ils mûrissent, et je dois parfois brosser quelques planches avant de les remettre à sécher, comme on fait avec les meules de Comté dans mon Jura natal ! D’ici un an, peut-être deux pour les planches les plus épaisses, je pourrai me servir dans ma « bibliothèque » de bois pour fabriquer de nouveaux objets. Je me souviens de l’origine de chaque morceau, qui me l’a donné, où je l’ai trouvé, où je suis allé le chercher pour l’acheter… c’est, me semble-t-il, non seulement de l’intérêt, mais aussi de l’attention, du soin, et en fin de compte une forme de respect. Cet arbre a poussé, il était vivant, et nous avons l’honneur de pouvoir le travailler pour lui offrir une « seconde vie » ! Gratitude.

Pour finir, laissez-moi vous conseiller l’excellent et passionnant livre que je suis en train de lire en ce moment : Être un chêne, sous l’écorce de Quercus de Laurent Tillon. L’auteur, qui travaille à l’Office National des Forêts, a choisi de nous raconter l’histoire de « son arbre », qu’il baptise « Quercus » (nom latin du chêne), vieux de plus de 250 ans… et à travers l’histoire de cet arbre, Laurent Tillon partage avec nous toutes ses connaissances sur les arbres, et la vie de la forêt : saviez-vous par exemple qu’en poussant les arbres font attention à ne pas se « toucher », en communiquant à l’aide de molécules chimiques ? On appelle cela de la « timidité »… moi, j’appellerais plutôt cela du tact.

Charpenté.com c’est parti !…

Bienvenue sur le site de l’atelier Charpenté ! J’espère que mes créations vous plairont ; n’hésitez pas à me faire part de vos suggestions ou idées, je suis preneur !… Vous pouvez également vous inscrire à la newsletter Charpenté en m’écrivant à la page « contact », afin de suivre les créations en cours ou être tenu informé de mes actus…

Et surtout un IMMENSE merci à Alex pour la construction de ce site ! T’es le meilleur !!!

Charpentueusement vôtre…