Depuis que je travaille le bois, j’ai toujours détesté le ponçage – et je suis loin d’être le seul. Poncer dégage énormément de poussière… soit on le fait à la main et cela prend des heures ; soit on le fait à l’aide d’une grosse machine, très lourde et très bruyante, difficile à manier, qu’on appelle familièrement le « tank » (à juste titre). On commence avec un papier au grain grossier, puis de plus en plus fin. C’est fastidieux. D’un autre côté, je me suis toujours demandé pourquoi fallait-il poncer les objets, en dehors du simple fait d’éviter les échardes quand on les touche. C’est semble-t-il une attente esthétique de l’acheteur, que l’objet soit bien lisse et brillant : le ponçage donne l’impression de voir le bois tel qu’il est, sans intervention de la main humaine. Toute trace d’outil et de travail disparaît, et on finit en effaçant les traces du ponçage lui-même. Mais c’est une illusion ! On ne peut pas voir le bois tel qu’il est en lui-même, on le voit forcément à travers la manière dont on l’a travaillé. Et poncer le bois n’est pas la seule manière de le donner à voir ; il en existe autant que d’usages que nous pouvons faire de nos outils, et à travers eux, de nos mains.
Newsletter n°29 – août 2023
Dans ce monde d’illusion
Nous sommeillons et parlons de rêve.
Rêve, continue à rêver, autant qu’il te plaira.
Yotsuya Ryu