Pour pousser, un arbre a besoin de lumière, de gaz carbonique et d’eau. La lumière vient du soleil, l’étoile la plus proche de nous. Le carbone, d’après les scientifiques, proviendrait originairement du milieu interstellaire. Quant à l’eau, elle aurait été apportée en premier lieu sur terre par des comètes de passage dans les environs. A partir de là, pourquoi ne pas envisager, quand on travaille le bois, qu’on modèle indirectement de l’étoile, du cosmos et des comètes?… Mais nous aussi, en réalité, sommes faits de cette matière-là. Nous, terriens, qui posons nos deux pieds sur le sol, qui prenons appui sur ce même sol pour pousser le rabot ou tirer la scie, nous, terriens, ne serions ainsi pas si terrien que cela. Les arbres, qui poussent, et en « poussant » se poussent, se hissent hors de la terre, au-dessus de la terre, comme tendus vers le ciel, désigneraient quant à eux quelque chose de leur origine, de notre origine commune même, en direction de l’espace. Certains pensent que c’est également la raison pour laquelle tous les édifices religieux connus construits par les humains pointent vers le ciel, qu’ils soient munis d’un clocher, d’une tour, d’un minaret, ou simplement de forme pyramidale. Édifices construits d’abord, et encore souvent aujourd’hui, en bois, c’est-à-dire en arbre.
C’est ainsi qu’au Japon, au sanctuaire d’Ise Jingu, tous les 20 ans, on reconstruit à l’identique les mêmes temples, puis on détruit les anciens. Et ce depuis des siècles. Le cycle destruction-reconstruction fait alors penser au cycle de la vie lui-même, et à tous les cycles naturels auxquels nous sommes soumis – cycles qui ont eux-mêmes des liens avec les cycles célestes, lunaires, et solaires. Cycles qui peuvent nous fasciner par l’impression de perfection qu’ils dégagent, en comparaison de laquelle même le temple le plus harmonieux, le plus symétrique et ornementé semblera imparfait, à y regarder de près. Personnellement, d’ailleurs, je n’ai jamais besoin de regarder de très près mes objets en bois pour y déceler des imperfections, car ils ont tous suffisamment de petits défauts que je ne peux ignorer ! Cela me force, même quand je suis content de moi, à un minimum d’ « humilité » – humilité venant de humus qui veut dire terre. En fin de compte, malgré notre désir de nous élever et de rivaliser avec les cieux, dont nous provenons, nous ne pouvons que reconnaître humblement que nous ne sommes qu’un élément à l’intérieur d’un cycle, et que tout ceci nous dépasse.