C’est une cuillère en bois de cerisier. J’ai dû la sculpter il y a deux ans, voire trois… Vu qu’elle avait fendu, ou pour une autre raison dont je ne me souviens plus, je ne l’avais pas terminée, et l’avait plantée dans la terre dehors, dans ce que j’appelle « le cimetière des objets ratés ». Récemment, je suis retombé sur cette cuillère, par terre, et je me suis dit qu’elle n’était pas si ratée que ça, qu’on pouvait peut-être en faire quelque chose. Je l’ai donc reprise, elle était toute grisonnée par le temps et les intempéries. Après quelques coups de couteau, je vis que le bois était encore bon. Pourquoi l’avais-je abandonnée? Il y avait certes quelques fissures, mais visiblement, elle avait tenu le coup ! Je repris l’ébauche, puis me vint l’idée de la brûler. Après avoir été sculptée par la main de l’homme, après avoir connu le vent, le soleil et la pluie, cette cuillère ne pouvait littéralement que renaître encore une fois de ses cendres, en passant l’épreuve du feu. Ainsi je la brûlai. Puis la combustion s’arrêta, me laissant une cuillère au dessin unique. Mais une cuillère encore fonctionnelle, qui reste une cuillère. Je la brossai, puis la huilai. Processus qui la rend désormais imputrescible. Comme me l’a dit mon fils de 7 ans, « le bois ne meurt jamais ».
Newsletter n°28 – juillet 2023
Dans le grondement du feu
La nuit s’enfonce
Crache une lune ébréchée.
Yamaguchi Seishi