Pourquoi nous humains, sommes-nous tellement attachés à l’idée d’harmonie? Les Grecs déjà appelaient cosmos le ciel étoilé, qui signifie « beau » : et ce qui était beau pour eux, c’était d’abord l’organisation mathématique parfaite des mouvements célestes. Dans les œuvres humaines, on peut également retrouver l’idée que ce qui est beau est harmonieux à travers le nombre d’or, censé déterminer les bonnes proportions d’un édifice ou d’une statue. Ce qui est harmonieux obéirait à des lois bien précises, et tout ce qui sort du cadre de ces lois serait voué à heurter notre sensibilité et à nous faire mal aux oreilles. Peut-être. D’un autre côté, nous aimons bien, parfois, être dérangés, secoués, titillés. L’harmonie peut être ennuyante, attendue, et ne pas nous surprendre suffisamment. Rechercher l’harmonie à tout prix, quand on fabrique un objet en bois, peut se révéler être un leurre, voire un piège qui nous enferme dans une structure trop rigide. Alors qu’au contraire, jouer avec l’harmonie et la disharmonie comme avec des ingrédients, peut déboucher sur une forme d’équilibre surprenant. Equilibre instable, qui n’est pas assuré de lui-même, ni figé une fois pour toutes.
Comme quand nous marchons : nous mettons un pied devant l’autre, ne faisant que déplacer le déséquilibre d’une jambe à l’autre – et pourtant, en marchant, nous créons un équilibre dans le mouvement. C’est même le déséquilibre alterné de gauche à droite qui permet le mouvement équilibré linéaire de la marche. De la même manière, un objet, un agencement, ou une disposition dans l’espace, peuvent évoquer une forme de déséquilibre et initier un mouvement vers autre chose. La question qui se pose, alors, c’est : que faire de ce mouvement? Vers quel équilibre aller à partir du déséquilibre? Peut-être que le ciel étoilé n’est si beau que parce qu’il bouge imperceptiblement, en même temps que la lune nous tombe dessus, comme nous tombons nous-mêmes sur le soleil sans jamais l’atteindre. On appelle cela graviter.