Qui sait ce qui se cache derrière un masque ? Nous vivons dans une civilisation qui considère depuis bien longtemps que le masque est une forme d’illusion, et que derrière le masque se cache la réalité : il faut lever le masque pour dévoiler la vérité. Mais qui sait si le masque ne montre pas, parfois, quelque chose de plus vrai que ce qu’il cache ? Et si, derrière le masque, il n’y avait rien?… Avant de donner le mot « personnage », puis « personne », le mot latin persona désignait le masque de l’acteur au théâtre, qui servait à amplifier la voix sur scène (per-sonare : « résonner à travers ») et à représenter le caractère du personnage. Le masque n’est en lui-même personne, […]
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Newsletter n°37 – avril 2024
Il n’y a rien
Dans le tiroir du bureau
Que j’ai ouvert histoire de voir.
Nakatsuka Ippekiro
Newsletter n°36 – mars 2024
L’arracheur de navets
Montre le chemin
Avec un navet.
Kobayashi Issa
Quand on apprend un geste, il est d’abord difficile, hésitant, imprécis. On est tendu, on corrige, on se rattrape aux branches comme on peut. Puis, à force de pratique et de répétitions, des automatismes se mettent en place, des sortes de réflexes qui font que, sans plus y réfléchir, nos mains font ce qu’il y à faire. On peut leur faire confiance. La maîtrise s’installe. D’un autre côté, au bout d’un moment, on peut trouver ennuyeux de répéter sans cesse les mêmes gestes, et avoir envie d’en apprendre de nouveaux. Essayer autre chose. L’époque actuelle a d’ailleurs volontiers recours à l’expression « sortir de sa zone de confort » pour valoriser l’élan de celui qui délaisse ce qu’il sait faire au profit de ce qu’il ne sait pas encore faire […]
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Newsletter n°35 – février 2024
Qu’on le veuille ou non
la poesie
est une affaire sérieuse.
Forger une lame de couteau à partir d’une barre de métal demande un engagement physique que j’avais sous-estimé, jusqu’à m’y mettre. Le marteau pèse un bon kilo, et il faut se dépêcher, c’est-à-dire battre le fer tant qu’il est chaud. Or il refroidit très vite. On le remet à chauffer, et on recommence. Tant que l’on travaille à la main, on ne peut pas faire semblant, ni s’économiser. Il faut y aller. C’est vrai pour la forge. Mais plus généralement pour toute opération de fabrication, qui demande un degré d’engagement en-dessous duquel, tout simplement, rien ne se passera. En grec ancien, « création, fabrication » se dit poïesis, mot qui a donné « poésie » en français : car on fabrique un poème comme on forge une pièce […]
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Newsletter n°34 – janvier 2024
Dans la forêt verdoyante, mon ermitage.
Seuls le trouvent
Qui ont perdu leur chemin.
Yotsuya Ryu
L’ambiance sur les marchés. Il y a le vendeur de saucissons catalans, les 3 pour 10€. « La dégustation est gratuite ! On peut tout goûter sauf le vendeur !… ». Il y a la petite dame qui vend ses objets en verre coloré, dauphins, tortues, chouettes, chacun peut trouver son animal fétiche. Il y règne un esprit de camaraderie immédiat entre les vendeurs : on se tutoie, on se file un coup de main, on se prête une rallonge… Et quand un marché se déroule sur deux jours, on se retrouve le lendemain comme des bons copains, on blague. Le soir venu, par contre, au moment de remballer et de charger sa marchandise, il arrive que tout le monde se précipite pour ramener sa camionnette et partir […]
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Newsletter n°33 – décembre 2023
Que j’ôte mon chapeau
Et se déploie la nuit bleue
Du ciel d’hiver.
Yamaguchi Sodo
Pour fabriquer un manche de couteau à la main, il faut bien sûr du bois, quelques outils comme une râpe, mais aussi, de la lumière et du mouvement. La lumière va vous indiquer chaque petit replat à arrondir, chaque manque de symétrie ou d’harmonie dans la forme. Le mouvement de la main, lui, donne au manche sa fluidité sans quoi il ne serait pas agréable au toucher. Je n’en finis pas de m’étonner, quand je donne peu à peu sa forme à un manche, de constater à quel point les yeux et les mains travaillent ensemble, de façon presque automatique, comme s’il n’y avait même pas de passage par le cerveau. Tout se fait en quelque sorte de soi-même, en effleurant, en fermant un œil, en reprenant… lumière […]
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Newsletter n°32 – novembre 2023
L’eau limpide
Ni dedans
Ni dehors.
Ida Dakotsu
Depuis bientôt deux mois, je fabrique ou restaure des couteaux à plein temps, avec beaucoup de plaisir. Je fais partie de ces gens (nous sommes un certain nombre !) qui aiment les beaux couteaux, un peu collectionneur mais surtout très attaché au bel objet. Quand je dis bel objet je n’entends pas forcément un couteau très complexe, avec beaucoup de fioritures, mais au contraire une simplicité qui coule de source. Enfant, le couteau c’était le canif avec lequel tailler des flèches, sculpter des bâtons, et parfois, il faut bien le dire, s’entailler le bout du doigt… puis ce fut le couteau suisse avec sa scie, très utile, et tous ces accessoires dont aujourd’hui encore j’ignore à quoi ils servent (si quelqu’un a fait l’armée suisse, je […]
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Newsletter n°31 – octobre 2023
Sous les feuilles qui tombent
Bientôt
Le chemin disparaît.
Un soir, alors que je venais finir un travail dans l’atelier, j’entends gratter près du mur. Le bruit cesse, j’ai peut-être rêvé….Grat grat. Je vais voir de plus près. Le chien aussi commence à renifler et à remuer la queue, tout près d’un vieux tas de chiffon sous une étagère. Mais oui ça bouge… un hérisson ! C’est le deuxième à avoir élu domicile chez nous, le premier s’étant fait un nid bien douillet sous une vieille ruche vide dans le poulailler. Le troisième même, si je compte celui que j’avais trouvé près d’une pile de bois, malade, en pleine journée. J’avais dû l’emmener d’urgence au refuge pour qu’il se refasse une santé, ce qui lui avait bien pris quatre mois. On dit souvent, à propos […]
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Newsletter n°30 – septembre 2023
Au bord de la
Rivière en moi
Aussi elle coule.
Début juillet, un habitant de mon village natal qui s’occupe du jardin d’un voisin, déterre à sa demande une souche de genévrier. Intéressé par ce bois, je le récupère et lui offre une bouteille de cidre en remerciement, puis j’amène la souche chez un ami tourneur sur bois pour la couper. Celui-ci en conserve la majeure partie, en échange de quelques rondins dont j’avais besoin par ailleurs, et nous en mettons également un morceau de côté pour un autre ami avec qui nous échangeons régulièrement des morceaux de bois. En fin de compte, tout le monde est content ! L’un qu’on ait arraché sa souche ; l’autre qu’on l’ait aidé à s’en débarrasser ; nous d’avoir gagné quelques beaux morceaux de bois rare et qui sentent […]
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Newsletter n°29 – août 2023
Dans ce monde d’illusion
Nous sommeillons et parlons de rêve.
Rêve, continue à rêver, autant qu’il te plaira.
Yotsuya Ryu
Depuis que je travaille le bois, j’ai toujours détesté le ponçage – et je suis loin d’être le seul. Poncer dégage énormément de poussière… soit on le fait à la main et cela prend des heures ; soit on le fait à l’aide d’une grosse machine, très lourde et très bruyante, difficile à manier, qu’on appelle familièrement le « tank » (à juste titre). On commence avec un papier au grain grossier, puis de plus en plus fin. C’est fastidieux. D’un autre côté, je me suis toujours demandé pourquoi fallait-il poncer les objets, en dehors du simple fait d’éviter les échardes quand on les touche. C’est semble-t-il une attente esthétique de l’acheteur, que l’objet soit bien lisse et brillant : le ponçage donne l’impression de voir le bois tel qu’il […]
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Newsletter n°28 – juillet 2023
Dans le grondement du feu
La nuit s’enfonce
Crache une lune ébréchée.
Yamaguchi Seishi
C’est une cuillère en bois de cerisier. J’ai dû la sculpter il y a deux ans, voire trois… Vu qu’elle avait fendu, ou pour une autre raison dont je ne me souviens plus, je ne l’avais pas terminée, et l’avait plantée dans la terre dehors, dans ce que j’appelle « le cimetière des objets ratés ». Récemment, je suis retombé sur cette cuillère, par terre, et je me suis dit qu’elle n’était pas si ratée que ça, qu’on pouvait peut-être en faire quelque chose. Je l’ai donc reprise, elle était toute grisonnée par le temps et les intempéries. Après quelques coups de couteau, je vis que le bois était encore bon. Pourquoi l’avais-je abandonnée? Il y avait certes quelques fissures, mais visiblement, elle avait tenu le coup ! Je repris l’ébauche, puis […]
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